La perfection chrétienne.1

La perfection chrétienne.1

Celui qui le fait est, moralement, parfait comme Dieu. Il a les mêmes sentiments que Dieu ; il aime ce que Dieu aime ; il hait ce que Dieu hait ; et pour les mêmes raisons.

« Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait (Matthieu 5 v. 4) ».

 Lisons d'abord le passage dont notre texte est la conclusion : « Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n'agissent-ils pas de même ? Et si vous aimez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait (Matthieu 5 v. 43 à 48) ».

En traitant de la perfection chrétienne, je montrerai :

I. Ce que n'est pas cette perfection.

II. Ce qu'elle est.

III. Qu'elle est un devoir.

IV. Qu'elle est possible.

V. Enfin, je répondrai à quelques objections qui sont faites ordinairement contre la doctrine de la Perfection chrétienne.

I. Ce qu'elle n'est pas.

1. Dieu ne demande pas que nous ayons les mêmes perfections naturelles que lui.

En Dieu, se trouvent deux sortes de perfections : les naturelles et les morales. Les naturelles sont son éternité, son immutabilité, sa toute-puissance, etc., Il va de soi qu'il n'est pas question d'imiter ces perfections-là.

2. Dieu ne demande pas la perfection de la connaissance, non pas même celle que peuvent comporter des facultés comme les nôtres.

3. La perfection chrétienne requise de nous ne consiste pas non plus à être exempt de toute sorte de tentations.

Soit de celles qui naissent de la constitution même de notre être, soit de celles qui nous viennent du dehors. L'esprit peut être continuellement tenté par les appétits du corps, et cela de la façon la plus pénible, sans que cependant il y ait péché. L'apôtre Jacques dit : « Chacun est tenté quand il est attiré et amorcé par son propre désir (Jacques 1 v. 14) ». Le péché n'est pas dans la tentation ; il est dans l'acte de céder à la tentation. On peut être tenté par Satan, par ses propres appétits, par le monde, et rester sans péché.

4. La perfection chrétienne n'implique pas que le combat du chrétien, ou « le bon combat », ces mots étant pris dans leur sens vrai et biblique, ait cessé.

5. Elle n'est pas non plus l'infinie perfection morale de Dieu.

L'homme étant une créature morale bornée, n'est pas capable d'affections infinies. Pour Dieu, qui est infini, être parfait, c'est être infiniment parfait. Ce n'est pas là ce que Dieu nous demande.

II. Ce qu'est la perfection chrétienne.

C'est une parfaite obéissance à la loi de Dieu. Cette loi requiert une bienveillance impartiale, désintéressée, parfaite ; l'amour pour Dieu et pour le prochain. Elle demande que nous soyons animés des mêmes sentiments que Dieu, que nous agissions par les mêmes principes que lui, que nous soyons purs de tout égoïsme. En un mot, que dans notre mesure, nous soyons parfaits comme il est parfait.

Le christianisme demande que nous ne fassions ni plus ni moins que ce que la loi de Dieu ordonne. Celui qui le fait est, moralement, parfait comme Dieu. Il a les mêmes sentiments que Dieu ; il aime ce que Dieu aime ; il hait ce que Dieu hait ; et pour les mêmes raisons.

Dieu estime chaque être dans l'Univers et tient compte de lui à proportion de ce qu'il vaut. Il a égard de même à ses propres intérêts en raison de leur valeur réelle. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit s'aiment (1) d'un amour suprême, tout à la fois amour de bienveillance et amour de complaisance (complacency), parce qu'ils sont souverainement excellents. Et Dieu requiert de nous que nous l'aimions du même amour.

(1) Finney dit : « Dieu s'aime », etc (Note du traducteur).

Il prend soin de son intérêt, de sa gloire et de son bonheur, parce qu'ils constituent le bien suprême. Il se comptait infiniment en sa propre excellence, parce qu'il sait que cette excellence est infinie. Il aime sa créature comme lui-même, non au même degré, mais dans la même proportion. Il aime ses créatures en raison de leur valeur réelle ; depuis le plus élevé des archanges jusqu'au moindre ver de terre, il tient compte du bonheur de chaque être. Or il nous a créés à son image, capables de nous conduire selon la même règle que lui. Nous devons aimer aussi impartialement, aussi parfaitement que lui, recherchant le bien des autres avec la même pureté que lui. C'est en cela que consiste la Perfection chrétienne ; elle ne peut être moins que cela.

III. La Perfection chrétienne est un devoir.

1. Cela ressort avec évidence du fait que Dieu l'exige et dans la loi et dans l’Évangile.

Le commandement de notre texte : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », est donné dans l’Évangile. Jésus-Christ commande ici exactement ce que la loi commande. Quelques personnes supposent que l’Évangile demande beaucoup moins de nous que ne demandait la loi. Il est vrai que l’Évangile n'exige pas la perfection comme condition du salut ; mais il ne nous dispense à aucun degré de l'obligation d'accomplir les commandements de la loi ; il exige la même sainteté que celle-ci.

2. La Perfection chrétienne est un devoir, car Dieu n'a pas le droit de demander moins.

Dieu ne peut pas nous dispenser de l'obligation d'être parfaits au sens que nous avons indiqué ; nous en dispenser équivaudrait à nous donner la permission de pécher. Tant que nous sommes des êtres moraux, aucun pouvoir dans l'Univers ne peut nous soustraire à l'obligation d'être parfaits. Dieu peut-il nous dispenser du devoir de l'aimer de tout notre cœur, de toute notre pensée, de toute notre force ? Une pareille dispense signifierait que Dieu ne mérite pas un tel amour. Et si Dieu ne peut pas nous exempter de l'obligation morale tout entière, il ne peut pas non plus, pour les mêmes raisons, nous exempter d'une partie quelconque de cette obligation.

3. Si quelqu'un prétendait que l’Évangile exige moins de sainteté que la loi, je lui demanderais de me dire au juste combien il en exige de moins.

Si nous sommes autorisés à ne point rendre à Dieu une obéissance parfaite, à quelle distance de cette obéissance nous arrêterons-nous ? À quel degré de perfection ou d'imperfection sommes-nous tenus d'arriver ? Où trouverez-vous dans la Bible une règle qui détermine de combien vous pouvez être moins saints sous la dispensation évangélique que vous n'auriez dû l'être sous la loi ? Direz-vous que c'est à chacun d'en juger pour ce qui le concerne ?

Je vous demande alors si vous ne pensez pas que ce soit votre devoir d'être un peu plus saints que vous ne l'êtes maintenant. Tous, probablement, vous répondrez : Oui. Pouvez-vous indiquer un point où il vous serait permis de dire, après l'avoir atteint : « Maintenant c'est assez, je suis suffisamment parfait ; il est vrai qu'il y a encore du péché en moi, mais je suis arrivé aussi loin que mon devoir le demande en ce monde ». Qu'est-ce qui vous autoriserait à parler de cette façon ? La vérité est que tous ceux qui sont véritablement pieux sentent l'obligation d'être parfaits comme Dieu est parfait ; et plus ils sont pieux, plus ils la sentent.

IV. La Perfection chrétienne est possible en cette vie.

Du seul fait que la perfection chrétienne est commandée, on peut à bon droit inférer qu'elle est réalisable.

Quand Dieu nous commande d'être parfaits comme il est parfait, oserions-nous lui répondre que c'est impossible ? Quand il nous donne un ordre, ne devons-nous pas toujours en conclure qu'il y a en nous possibilité naturelle de faire Ce qu'il nous ordonne ? Je me rappelle avoir entendu dire à un prédicateur qu'il prêcherait aux pécheurs qu'ils doivent se repentir, parce que Dieu le commande ; mais qu'il ne voudrait jamais prêcher que les pécheurs peuvent se repentir, parce que Dieu ne le dit nulle part. Quelle lamentable puérilité Quelqu'un prêche l'obéissance aux lois, mais il ne veut jamais dire que cette obéissance est possible, parce que le code ne le dit pas t Dieu nous commanderait-il, sous peine de mort, ce qui est impossible ; enverrait-il les pécheurs en enfer pour n'avoir pas tait ce qu'ils n'étaient en aucune façon capables de faire ?

Que nous ayons la capacité d'être parfaits, c'est un fait bien facile à constater. Qu'est-ce que cette perfection que nous devons réaliser ? C'est aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée, de toute notre force et aimer notre prochain comme nous-mêmes ; c'est-à-dire que c'est exercer, non des facultés que nous n'avons pas, mais bien celles qui sont en nous : « ...de toute ta force, de tout ton cœur » etc. Ce commandement ne demande que l'exercice raisonnable et juste des facultés que nous possédons. - Il est donc clair que nous avons la capacité naturelle ou le pouvoir d'être parfaits exactement comme Dieu le demande.

L'on objecte que s'il y a en nous capacité naturelle, il y a incapacité morale ; ce qui, dit-on, revient au même que s'il y avait incapacité naturelle. Nous répondons que nous ne sommes pas plus incapables moralement d'être parfaitement saints que nous le sommes d'être saints à un degré quelconque. La différence qu'il y a entre la capacité naturelle et la capacité morale consiste en ce que la première a trait à la puissance et aux facultés de l'esprit ; tandis que la seconde concerne la volonté seule. L'incapacité morale n'est pas autre chose que la mauvaise volonté. C'est ce que démontre le Président Edwards dans son traité sur la volonté, et bien d'autres auteurs encore.

Vous demandez si vous avez la capacité morale d'être parfait. Entendez-vous par là demander si vous avez la volonté d'être parfait ? En ce cas, je répondrais : Non. Car si vous vouliez (1) être parfait, vous seriez parfait. La perfection qui est demandée de nous n'est en effet que la conformité de notre volonté à la loi de Dieu.

(1) Que le lecteur veuille bien se rappeler que Finney ne confond pas la volonté avec le désir (Note du traducteur).

Mais, direz-vous, pouvons-nous réellement vouloir le bien, vouloir ce que Dieu veut ? Je réponds que cette question implique contradiction ; elle suppose en effet qu'un agent moral peut être incapable de choisir ou de vouloir. Dans son chapitre sur l'incapacité morale, le Président Edwards dit expressément que l’Incapacité morale est une chose qui n'existe pas. Quand nous parlons d'incapacité à faire une chose, nous voulons dire que la volonté y fût-elle, le pouvoir manquerait pour l'exécution. Parler d'incapacité morale est donc évidemment absurde, car c'est dire à la fois que nous voulons et que nous sommes incapables de vouloir (1).

(1) On a objecté à ce que dit Finney sur la nature pécheresse, et les mêmes objections se reproduisent ici cependant, si l'on regarde comme un axiome qu'il ne peut y avoir péché que là où il y a eu liberté (actuelle ou antérieure) et dans la mesure de cette liberté, n'est-on pas obligé de reconnaître que les expressions : transmission du péché, péché comme germe, péché original, nature pécheresse, incapacité morale, etc., sont contradictoires, l'un des termes qui les composent supposant la nécessité et l'autre, la liberté ? (Note du traducteur).

Mais j'admets et je crois qu'il y a chez l'homme une volonté désespérément mauvaise. Et si c'est là ce que vous appelez « incapacité morale », vous avez raison d'affirmer l'existence de cette incapacité. Il y a chez le pécheur une volonté fort tenace de ne point devenir chrétien, et chez le chrétien une volonté semblable de ne point devenir parfait. Les pécheurs peuvent désirer ardemment de devenir chrétiens et les chrétiens peuvent désirer ardemment d'être délivrés de tout péché, et prier pour cela avec insistance, même jusqu'à être dans une sorte d'agonie ; ils peuvent ainsi croire qu'ils ont la volonté d'être parfaits, et se tromper sur ce point.

Que tous leurs péchés considérés d'une manière abstraite, en bloc, leur soient enlevés à la fois, ils ont le sentiment qu'ils le veulent ; mais prenez ces péchés en détail, un par un, et présentez-leur chacun d'eux tel qu'il se trouve dans la réalité de leur vie de chaque jour, et vous verrez qu'il y a maint péché qu'ils ne veulent pas abandonner. Ils combattent le péché en général, le péché, conception vague et abstraite de leur esprit, mais ils le chérissent dans les détails de la vie pratique.

J'ai vu, dans plus d'une circonstance, des chrétiens, en proie à une émotion profonde, se persuader qu'ils en avaient fini pour toujours avec le péché ; puis, moins d'une heure après peut-être, l’événement prouvait qu'ils étaient aussi attachés que jamais à leur ancienne convoitise, et qu'ils avaient besoin d'être encore et plus d'une fois brisés. Les chrétiens ont besoin actuellement qu'on les poursuive d'un péché à l'autre ; ils s'attachent à chacun d'eux, et à chacun d'eux il faut recommencer à livrer bataille ; finalement il se trouve qu'ils ne veulent pas renoncer à tout péché !

Quand un homme a véritablement la volonté de renoncer à tout péché et abandonne entièrement sa volonté propre pour ne plus vouloir que celle de Dieu, tous les liens qui enlacent son âme sont brisés aussitôt ; il est « rempli de toute la plénitude de Dieu ».

En fait, voici le langage que l'on nous tient : Ai-je droit de m'attendre à être parfait en ce monde ? Ai-je quelque raison de croire que je puisse être si complètement subjugué par l'Esprit de Dieu que mon âme brûle d'une flamme constante, aimant Dieu pleinement comme la loi le demande ? Que ce soit un devoir, personne ne le nie ; mais la question est toujours : est-ce réalisable ?

A cette question, je réponds :

Ces dernières années, on a tant parlé de Perfection chrétienne, et plusieurs de ceux qui professaient cette doctrine sont tombés dans tant d'aberrations, que le diable semble avoir anticipé le mouvement de l’Église pour le compromettre. Il en est résulté un tel état des esprits que du moment où la doctrine biblique de la sanctification est présentée, aussitôt l'on s'écrie de divers côtés : « Mais c'est du perfectionnisme ! »

Eh bien ! Malgré les erreurs dans lesquelles quelques-uns de ceux qu'on appelle perfectionnistes sont tombés, je n'hésite pas à affirmer que la doctrine de la Perfection chrétienne est dans la Bible, et que personne ne doit la craindre, mais qu'au contraire chacun doit apprendre à la connaître. J'ai personnellement beaucoup connu les perfectionnistes ; j'ai lu leurs publications ; et je dois dire que je ne puis donner mon assentiment à bon nombre de leurs vues. Mais que la Perfection chrétienne soit un devoir, je l'ai toujours maintenu ; et depuis quelques mois, je suis plus convaincu que jamais, et pour diverses raisons, qu'elle est réalisable en cette vie.

1. Dieu veut que nous la réalisions ici-bas.

Plusieurs se demandent : « Dieu veut-il réellement ma sanctification en ce monde ? » Je réponds : Oui, puisqu'il l'a dit. La loi elle-même est une manifestation aussi forte que possible de sa volonté à cet égard ; elle est appuyée par une sanction infinie. L’Évangile ne fait que réitérer l'expression de cette volonté sous une autre forme. Comment Dieu pourrait-il exprimer plus fortement sa volonté qu'il ne le fait dans notre texte : « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait ? » Dans la première épître aux Thessaloniciens (1 Thessaloniciens 4 v. 3), il nous est dit : « Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification ». Si vous étudiez la Bible soigneusement, d’un bout à l'autre, vous y verrez partout que Dieu veut que ses enfants soient saints en ce monde, comme il veut qu'en ce monde les pécheurs se convertissent ; la première de ces vérités n'est pas enseignée moins clairement que la seconde.

Si vous vous en rapportez à la Bible, vous pourriez tout aussi bien révoquer en doute la volonté de Dieu à l'égard de la conversion de ceux-ci qu'à l'égard de la sanctification de ceux-là Dieu leur commande, aux uns et aux autres, la sainteté : pourquoi ne l'attendrait-il pas de leur part ? Quand il demande la repentance, que veut-il au fond ? Il veut que les hommes l'aiment de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur pensée, de toute leur force. Les mêmes raisons qui nous portent à croire que Dieu veut la repentance et l'amour à un degré quelconque, ne nous obligent-elles pas à affirmer que Dieu veut, une repentance entière, un amour parfait ? Il demande l'amour, et vous en concluez qu'il veut être aimé ; il demande l'amour parfait, et vous refusez d'en conclure qu'il veut, être aimé parfaitement : n'est-ce pas une étrange logique ? Personne ne peut démontrer par la Bible que Dieu ne demande pas la parfaite sanctification en ce monde, ni qu'il ne la veuille pas, ni qu'elle ne soit pas aussi réalisable que tel degré déterminé de sanctification.

J'ai passé en revue toute la Bible en notant tous les passages qui concernent le point qui nous occupe, et je les ai trouvés si nombreux que je n'ai pu les inscrire sur la carte qui contient le plan de mon discours. Si je vous les citais tous, je ne pourrais faire autre chose ce soir que de vous lire des passages. Si vous étudiez la Bible au point de vue qui nous occupe, vous serez étonnés de voir combien nombreux sont les passages où il est question d'être délivré du péché lui-même, en regard de ceux qui nous parlent de l'exemption du châtiment ; le nombre de ces derniers est insignifiant en comparaison de celui des premiers.

2. Toutes les promesses de Dieu et toutes les prophéties qui concernent la sanctification des croyants en ce monde, doivent être comprises, cela va de soi, de la parfaite sanctification.

Qu'est-ce que la sanctification, si ce n'est la sainteté ? Quand une prophétie annonce la sanctification de l’Église, devons-nous entendre par là, une sanctification partielle ? Et quand Dieu exige la sainteté, devons-nous comprendre qu'il n'exige qu'une sainteté partielle ? Assurément non. Quand donc Dieu promet la sainteté, au nom de quel principe voulez-vous l'entendre d'une sainteté partielle ? Voilà si longtemps que nous expliquons les Écritures au point de vue de l'état actuel des choses, que nous avons entièrement perdu de vue leur sens réel. Mais si l'on ne veut tenir compte que du langage de la Bible, je défie qui que ce soit de montrer que les promesses et les prophéties concernant, la sainteté puissent se rapporter à autre chose qu'a la parfaite sanctification ; autant vaudrait prétendre que les commandements de la loi et de l’Évangile ne doivent être compris que d'une obéissance partielle, ce qui est manifestement absurde.

3. La parfaite sanctification est « la grande bénédiction » promise partout dans la bible.

L'apôtre Pierre dit : « Les très grandes et précieuses promesses nous ont été données, afin que par leur moyen vous eussiez communication de la nature divine, étant échappés (1) à la corruption qui règne dans le monde par la convoitise  (2 Pierre 1 v. 4) ». Si ce n'est pas là la parfaite sanctification, je demande ce que ce peut être. Nous avons ici une déclaration établissant que les très grandes et précieuses promesses nous ont été données afin qu'en les croyant, nous devenions participants de la nature divine. Si donc nous voulons nous servir d'elles dans le but pour lequel elles nous ont été données, nous pouvons devenir parfaitement saints.

(1) Traduction conforme au texte (Note du traducteur).

Passons en revue quelques-unes de ces promesses.

Je commencerai par la promesse renfermée dans l'alliance que Dieu traita avec Abraham. Cette promesse assurait au patriarche que sa postérité posséderait le pays de Canaan, et qu'en lui, par le Messie, toutes les nations seraient bénies. Le sceau de cette alliance, la circoncision, qui est, comme chacun le sait, un type de la sainteté, nous montre quelle était la principale bénédiction que Dieu avait en vue pour toutes les nations. C'était la sainteté. Aussi l'apôtre nous dit-il- que Jésus-Christ a été donné « afin de se sanctifier un peuple particulier (Tite 2 v. 14) ».

Toutes les purifications et toutes les autres cérémonies du rituel mosaïque signifient la même chose ; elles avaient toutes en vue le Sauveur promis. Toutes les ordonnances concernant la purification du corps étaient des types se rapportant à la purification de l'âme, à la sainteté. Dans l’Évangile, le baptême a la même signification : L'acte de laver le corps est une image de la sanctification de l'âme.

Dans Ézéchiel 36 v. 25, cette bénédiction, la sanctification, est promise expressément comme la grande bénédiction de l’Évangile : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j'ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous, et je ferai que vous suiviez mes ordonnances, et que vous observiez et pratiquiez mes lois ».

De même Jérémie 33 v. 8 : « Je les purifierai de toutes les iniquités qu'ils ont commises contre moi ». Mais il faudrait trop de temps pour citer tous les passages des prophéties de l'Ancien Testament qui présentent la sainteté comme étant la grande bénédiction de la Nouvelle Alliance. Je désire que tous vous étudiiez votre Bible au point de vue qui nous occupe ; si vous le faites, vous serez étonnés de voir à quel point toutes les Écritures s'accordent pour présenter la sanctification comme la bénédiction principale promise au monde en la personne du Messie.

Quelqu'un douterait-il que le grand objet de la venue du Messie ne fat de sanctifier son peuple ? Immédiatement après la chute, Dieu annonça que Satan briserait le talon du Messie ; mais que le Messie lui briserait la tête. Et l'apôtre Jean nous déclare que « c'est dans le but de détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu a été manifesté ». Jésus a mis Satan sous ses pieds ; son but a été de nous gagner de nouveau à Dieu, de nous rendre au service de Dieu, nous sanctifiant et nous purifiant. C'est lui qui est annoncé Zacharie 13 v. 1 : « En ce jour-là une source sera ouverte pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, pour le péché et pour l'impureté ».

Daniel 9 v. 24, il est dit : « Soixante et dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l'iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints ». Mais il est inutile de citer la multitude des textes qui proclament ces mêmes vérités : Ils remplissent l'Ancien Testament.

Dans le Nouveau Testament, dès qu'il est fait mention du Sauveur, il nous est dit : « Son nom sera Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés (Matthieu 1 v. 21) ». De même, 1 Jean 3 v. 5 : « Jésus a paru pour ôter les péchés, pour détruire les œuvres du diable  (1 Jean 3 v. 8) ». Tite 2 v. 13 : « Jésus-Christ s'est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité et de se purifier un peuple particulier zélé pour les bonnes œuvres ». Éphésiens 5 v. 25 : « Christ a aimé l’Église et s'est livré lui-même pour elle, afin qu'il la sanctifiât, l'ayant purifiée par le baptême d'eau, par la parole, afin qu'il se la présentât glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, et afin Qu'elle soit au contraire sainte et sans défaut ».

Ce peu de passages suffit pour montrer que l'objet de la venue de Christ a été de sanctifier l’Église et cela de façon à ce qu'elle fût absolument sainte et irrépréhensible. Lisez encore Romains 11 v. 26 : « Tout Israël sera sauvé, selon qu'il est écrit : Le Libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés ; et c'est là mon alliance en leur faveur, lorsque j'ôterai leurs péchés ». Et 1 Jean 9 : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité ». Qu'est-ce que « nous purifier de toute iniquité », si ce n'est pas la parfaite sanctification ?

Or, je présume que si une semblable chose est promise dans la Bible, vous tous qui êtes ici ce soir, vous désirez la connaître par expérience. Et maintenant que penserez-vous de 1 Thessaloniciens 5 v. 23 : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie entièrement, et que votre être tout entier, l'esprit, l'âme, et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l'arrivée de notre Seigneur Jésus-Christ ? » Que signifient ces mots : « ...vous sanctifie entièrement ? » N'est-ce pas la parfaite sanctification ? Et pouvez-vous dire que ce n'est pas cette sanctification-là en ce monde ? L'apôtre souhaite que le corps des Thessaloniciens, aussi bien que leur âme et leur esprit, soit conservé sans tache ; est-il nécessaire de dire qu'il s'agit de leur corps actuel ? Un apôtre inspiré par l'Esprit de Dieu ferait-il une semblable prière s'il ne croyait pas possible qu'elle fût exaucée ? Non seulement il le croit possible, mais il ajoute : « Celui qui vous a appelés est fidèle, et il le fera ». Se tromperait-il ?

4. La parfaite sanctification des croyants est le but en vue duquel le Saint-Esprit a de promis.

Tout ce que les Écritures nous disent du Saint-Esprit nous le prouve. Toute l’œuvre du Saint-Esprit tend à cette fin : la sanctification de l’Église. Tous les commandements qui exigent la sainteté, toutes les promesses, toutes les prophéties, toutes les ordonnances, tous les avertissements, toutes les bénédictions, tous les châtiments, tous les devoirs religieux sont autant de moyens qu'emploie le Saint-Esprit pour la sanctification de l’Église.

5. Si le devoir d'être parfaitement, saint n'est pas praticable en ce monde, il s'en suit que Satan a si bien accompli ses desseins en corrompant l'humanité, que Jésus-Christ est en défaut, car il n'a pas d'autre moyen pour sanctifier son peuple que de l'ôter du monde.

Est-il possible que Satan ait si bien eu l'avantage sur Dieu que le royaume de Dieu ne puisse pas être rétabli en ce monde, et que le Tout-Puissant n'ait plus d'autre ressource que de battre en retraite, obligé de retirer ses enfants dans le ciel afin de pouvoir les rendre saints ? Le royaume de Dieu ne peut-il donc être établi que partiellement ici-bas, et doit-il en être toujours ainsi, de sorte que les meilleurs d'entre les saints seraient obligés de dépenser la moitié de leur temps au service du diable ?

Le peuple de Dieu serait donc condamné à se traîner toujours chancelant et radotant, vivant dans le péché jusqu'à ce qu'il parvienne au ciel ? Qu'est-ce donc que « cette pierre détachée de la montagne sans le secours d'aucune main  (Daniel 2 v. 34) », et qui devient une grande montagne et remplit toute la terre, si ce n'est un type et un gage du triomphe final de l'amour de Dieu en ce monde ?

6. Si la parfaite sanctification n'est pas praticable en ce monde, cela doit venir ou de l'insuffisance des motifs que présente l’Évangile ou d'un manque de puissance dans le Saint-Esprit.

Il est dit que dans la vie à venir nous serons semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu'il est Mais pourquoi pas ici-bas, si nous avons cette foi qui est « une substance des choses qu'on espère et une démonstration des choses qu'on ne voit point ? (Hébreux 11 v. 1) ». Il y a une promesse pour « ceux qui ont faim et soif de la justice » et cette promesse est qu'ils « seront rassasiés ». Qu'est-ce qu'être rassasié, « rempli » de justice, si ce n'est être parfaitement saint ? Et ne devons-nous jamais- être « remplis » de justice avant notre mort ? Devons-nous être pendant toute notre vie sur cette terre « affamés et altérés », souffrants et misérables ? La Bible a été comprise de cette façon, mais elle ne parle pas ainsi.

V. Objections et réponses.

1° Objection. La puissance de l'habitude est telle que nous ne devons pas nous attendre à être jamais entièrement sanctifiés en cette vie.

Réponse. Si la puissance de l'habitude peut être si bien vaincue, qu'un pécheur impénitent puisse se convertir ; pourquoi ne pourrait-elle pas être assez complètement brisée pour qu'une âme convertie arrive à la parfaite sanctification ?

Si l’œuvre de Dieu rencontre quelque part des difficultés invincibles, ce doit être dans cet état d'inconversion ou l'égoïsme domine entièrement l'esprit et où les habitudes de péché subsistent tout entières. L'obstacle est si grand, en effet, qu'aucun autre pouvoir que le Saint-Esprit ne peut le vaincre ; il est même si grand, en beaucoup de cas, que Dieu lui-même ne peut pas, dans sa sagesse, convertir actuellement le pécheur. Mais est-il possible de supposer que lorsque Dieu a vaincu une première fois cet obstacle, qu'il a brisé la puissance de l'égoïsme et des habitudes, et que l'âme est convertie, Dieu n'ait pas les ressources suffisantes pour l'amener à l'entière sanctification ?

2° Objection. Une vie de péché engendre beaucoup d'obstacles physiques qui ne peuvent pas être vaincus par des moyens moraux.

C'est une objection fort commune. Les hommes se sont rendus esclaves de tant d'influences et d'appétits physiques, et ils en ont si bien conscience, qu'ils ne croient pas possible d'être délivré par des moyens moraux. Au septième chapitre de l'épître aux Romains, l'apôtre Paul décrit l'état de l'homme en lutte avec sa nature physique ; mais au chapitre suivant il nous montre l'homme qui l'a vaincue. « Et si Christ est, en vous, le corps est mort à cause du péché ; mais l'esprit est vie à cause de la justice. Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts vivifiera (Traduction exacte (Note du traducteur)) aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous  (Romains 7 v. 11) ». Ce qui est dit ici de la vivification du corps n'a pas trait à la résurrection, mais à l'influence de l'Esprit de Dieu sur le corps, en d'autres termes à la sanctification du corps.

Vous demanderez si l'Esprit de Dieu produit un changement physique, un changement dans le corps. Je réponds en me servant du cas de l'ivrogne pour éclaircir ma pensée. Le corps de l'ivrogne est dans un état maladif, une soif qui n'est pas naturelle et qui est insatiable le dévore, et cette soif est si forte qu'elle ne semble pas pouvoir être vaincue. Cependant vous connaissez très probablement des cas où elle été et où l'appétit physique a entièrement disparu. On m'a cité des cas où des ivrognes ont si bien vu la grandeur du péché de l'ivrognerie, qu'ils ont eu aussitôt en horreur les boissons fortes ; et qu'ils y ont renoncé pour toujours, ayant pour elles un tel dégoût, qu'ils n'ont plus jamais eu le moindre désir d'en goûter de nouveau.

J'ai connu un homme qui était esclave du tabac et qui fut enfin convaincu qu'il péchait en cela ; la lutte qu'il soutint contre ce penchant le poussa finalement à venir à Dieu ; il pria avec une telle instance qu'en un instant il remporta une victoire complète et n'eut plus jamais la moindre envie de fumer. Je ne vous donne maintenant aucune théorie de la chose, je vous apporte des faits. J'ai connu le cas d'individus chez lesquels une vie de péché avait créé l'esclavage absolu des appétits du corps et qui, convertis en un temps de réveil, avaient vu disparaître ces appétits aussi complètement que si le corps avait disparu avec eux.

En cas, l'esprit est sans doute tellement absorbé par les objets les plus élevés, qu'il n'a plus une pensée pour ceux qui seraient de nature à raviver les appétits du corps. Un ivrogne passera devant un cabaret, regardera les gens boire y arrêtera son attention : sa passion se réveillera. C'est pour cela que le Sage nous dit : « Ne regarde point le vin quand il est rouge ». Mais il n'y a pas de doute qu'un appétit quoi conque du corps ne puisse être dompté par une impression suffisante produite sur l'esprit.

Je crois que tout chrétien réel l'admettra, vu que son expérience lui en fera foi. N'avez-vous jamais, mes bien-aimés, connu des temps où les réalités éternelles Ont tellement rempli votre âme tellement absorbé votre esprit, que les appétits du corps en ont été complètement neutralisés ? Supposez que cet état d'âme se prolonge, qu'il devienne permanent, tous ces appétits physiques qui étaient un obstacle à la parfaite sanctification ne seront-ils pas vaincus aisément ?

3° Objection. La Bible condamne cette doctrine en déclarant qu'il n'y pas un seul juste sur la terre, pas un seul homme qui ne pèche (1).

(1) Allusion à une parole de Salomon, 2 Chroniques 6 v. 36 (Note du traducteur).

Réponse. Supposons que la Bible le dise, il ne s'en suit pas que l'existence d'un tel homme sur la terre soit impossible. Il a pu être vrai, à certaines époques, sous l'ancienne dispensation, par exemple, de dire qu'il n'y avait pas sur terre une seule âme parfaitement sanctifiée ; mais il ne s’en suit pas qu'aujourd'hui, sous la dispensation évangélique, il n'y ait aucune personne qui vive sans péché, encore moins s'en suit-il que la chose soit impossible. « La loi rien amené à la perfection, mais il n'en est pas ainsi de l'introduction d'une nouvelle espérance », nous est-il dit (Hébreux 7 v. 19). C'est-à-dire que l’Évangile tel que Dieu l'a donné amène à la perfection.

4° Objection : Les apôtres ont reconnu qu'ils n'étaient pas parfaits.

Réponse. Je sais que l'apôtre Paul dit : « Non que je sois déjà consommé, ou devenu parfait  (Philippiens 3 v. 12) ». Mais il n'est pas dit qu'il demeura dans le même état jusqu'à sa mort, ni qu'il n'atteignit jamais l'entière sanctification.

Du reste, je ne pense pas que l'apôtre parle ici de l'entière sanctification ; il parle de la perfection absolue, qui ne va pas sans la connaissance parfaite (1).

(1) Impossible ici de ne pas citer le verset 15 : « Nous tous qui sommes parfaits ». Voyez encore le verset 17 : « Devenez tous ensemble mes imitateurs, et portez vos regards sur ceux qui se conduisent selon le modèle que vous avez en nous ». Comparez : 1 Thessaloniciens 2 v. 10 ; Galates 2 v. 20 ; Philippiens 4 v. 8 et 9, etc (Note du traducteur).

L'apôtre Jean parle de lui-même comme aimant Dieu parfaitement. Mais quoi qu'il en soit de l'état spirituel des apôtres au moment où ils écrivirent les Saintes-Écritures, il est clair que, du fait qu'ils n'auraient pas été parfaits, l'on ne pourrait jamais conclure que nul autre ne le pourrait devenir.

5° Objection. Ne serait-ce pas de la présomption chez nous que de penser pouvoir être meilleurs que les apôtres et les premiers chrétiens ?

Réponse. Où serait la présomption ? N'est-ce pas un fait évident que nous avons de grands avantages que ne possédaient pas les églises primitives ? Le bénéfice de leur expérience, la collection complète des Écritures, l'état du monde, le millénium qui approche, tout nous donne l'avantage sur les premiers croyants. Pourquoi supposer que l’Église doive toujours en rester au même point en fait d'expériences religieuses, et ne jamais aller de l'avant en rien ?

Où voyez-vous cela dans l’Écriture ? Pourquoi l’Église ne devrait-elle pas grandir toujours, devenant toujours meilleure ? On semble admettre généralement que les églises doivent toujours regarder en arrière, prenant les premiers saints comme leurs modèles ; je pense que notre devoir est de faire l'inverse et que nous devons sans cesse nous proposer un but plus élevé que la stature à laquelle parvinrent les premiers chrétiens. Je crois qu'avant que le millénium puisse arriver, l’Église doit dépasser de beaucoup le christianisme des premiers chrétiens. Parmi ceux-ci, je ne compte pas les apôtres, attendu qu'il me parait vraisemblable qu'ils avaient atteint l'entière sanctification.

6° Objection. Il y a tant de gens qui font profession d'être parfaits et qui ne le sont pas, que je ne puis croire à la perfection en ce monde.

Réponse. Il y a tant de gens qui se font passer pour riches et qui ne le sont pas, en conclurez-vous que personne ne soit riche ?

7° Objection. Il y a tant de gens qui font profession d'être arrivés à la perfection et qui sont tombés dans l'erreur et le fanatisme, que j'ai peur de m'occuper de ce sujet.

Réponse. Je trouve dans l'histoire qu'une secte de perfectionnistes a surgi après chaque grand réveil. Et ce n'est qu'un chef-d’œuvre de Satan pour annuler les effets du réveil. Il sait que si l’Église est amenée à la sainteté, c'est un coup de mort donné à sa puissance sur la terre, aussi prend-il ses mesures pour faire échouer les efforts de l’Église tendant à élever le niveau de la piété ; il refroidit et décourage les chrétiens, les dégoûtant de la pensée même de conformer parfaitement leur vie à la volonté de Dieu. Il y a si bien réussi, que du moment où vous pressez les chrétiens de poursuivre la sainteté et de rompre avec tous leurs péchés, un cri s'élève : « Mais ceci conduit au perfectionnisme ! », et voilà le mouvement décrié et arrêté.

8° Objection. Mais pensez-vous vraiment qu'il n'y a jamais eu des hommes parfaitement saints en ce monde ?

Réponse. J'ai lieu de croire qu'il y en a eu plusieurs. Il est extrêmement probable qu'Hénoc et Élie furent déliés de tout péché avant d'être enlevés de ce monde. À différentes époques de l'histoire de l’Église, il y a eu nombre de chrétiens intelligents et intègres, gens à qui l'on n'avait rien à reprocher, qui ont témoigné eux-mêmes qu'ils vivaient délivrés de tout péché. Je sais fort bien que l'on a répondu qu'ils avaient dû être des orgueilleux et que personne ne peut se dire délivré de tout péché, si ce n'est par orgueil.

Mais je demande pourquoi un homme ne pourrait pas se dire délivré de tout péché, quand il en est ainsi, sans tomber dans l'orgueil, tout aussi bien que l'on peut sans orgueil se dire converti ? Les saints ne le diront-ils pas dans le ciel à la louange de la grâce de Dieu qui aura achevé son œuvre en eux ; et pourquoi ne le diraient-ils pas dès ici-bas par le même motif ?

Je ne fais pas moi-même aujourd'hui profession d'avoir atteint la parfaite sanctification mais si je l'avais atteinte, si je sentais que Dieu m'eût réellement donné la victoire sur le monde, la chair et le diable et qu'il m'eût délivré de tout péché (1), garderais-je la chose secrète, tenant ce trésor enfermé dans mon cœur et laissant mes frères trébucher sans cesse dans l'ignorance de ce que la grâce de Dieu peut faire ? Non certes ! Je témoignerais de mon expérience afin que mes frères arrivassent plus promptement à une complète délivrance.

(1) Ces paroles ont été prononcées en 1837. À partir de 1843, Finney témoigne avoir reçu l'entière sanctification (Note du traducteur).

J'ai entendu dire que si un chrétien était réellement parfait, il serait la dernière personne à le dire. Diriez-vous de quelqu'un qui fait profession d'être converti : « S'il était vraiment converti, il serait le dernier à en parler ? » N'est, ce pas au contraire le premier mouvement d'une âme convertie que de s'écrier: « Venez, vous tous qui craignez Dieu, je vous déclarerai ce qu'il a fait pour moi ? » Et pourquoi le même désir ne se trouverait-il pas chez celui qui a obtenu l'entière sanctification ? Pourquoi cette suspicion jetée sur le témoignage ?

Si quelqu'un présente toutes les preuves d'une grande piété, si sa vie est irréprochable, s'il n'y a aucune plainte à faire sur l'esprit qui l'anime, s'il est évident que cet esprit est bien celui de Jésus-Christ, et s'il atteste qu'après un grand travail spirituel et d'ardentes prières, Dieu lui a donné la victoire, et que maintenant son âme est dans la glorieuse liberté que donne la puissance du Saint-Esprit, comment ne serions-nous pas tenus de recevoir son témoignage tout autant que nous l'avons été quand il a témoigné de sa conversion ?

J'ai lu dernièrement l'Exposition de la Perfection, chrétienne de Wesley, livre que je n'avais jamais vu. J'y trouve quelques expressions auxquelles j'aurais à objecter, mais mes réserves portent plutôt sur le langage que sur fond de la pensée. Du reste, c'est un livre admirable et je désire que vous le lisiez tous. Je vous recommande les Mémoires de James Brainerd Taylor, je désire que chaque chrétien se les procure et les étudie ; j'en ai lu la plus grande partie trois fois en peu de mois. Bien des choses dans ce livre montrent que l'auteur croyait à la doctrine qui présenta la Perfection chrétienne comme un devoir praticable en cette vie ; et nous verrions probablement qu'il avait atteint cette perfection, si nous avions sous yeux tout ce qu'il a écrit (1) J'ai connu personnellement, un chrétien qui me revient en mémoire en cet instant qui certainement était un chrétien entièrement sanctifié.

(1) On assure, ajoute Finney, que ses biographes ont supprimé à dessein plusieurs fragments de son journal et de ses lettres se rapportant au sujet qui nous occupe (Note du traducteur).

On s'est fait les idées les plus étranges sur la sanctification chrétienne. Vous entendrez dire parfois que l'on ne pourrait pas vivre en ce monde si l'on était parfaitement saint. Je crois avoir moi-même autrefois dit quelque chose de semblable, et je dois reconnaître que j'ai parlé sur ce sujet comme un insensé. Celui qui est parfaitement saint est plus prompt que tout autre à travailler au bien de son prochain. Jésus-Christ ne pouvait-il pas vivre sur la terre. On semble penser que celui qui serait parfaitement saint serait dans un tel état d'excitation, qu'il lui serait impossible de demeurer dans un corps, qu'il ne pourrait ni manger, ni dormir, ni remplir les devoirs de la vie ordinaire. Jésus-Christ était un homme, il était sujet aux mêmes tentations que nous, et il aimait le Seigneur, son Dieu, de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force : il était parfaitement saint.

Remarques :

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi il n'y a pas plus de chrétiens parfaits en ce monde.

1. Les chrétiens ne croient pas que Dieu veuille qu'ils soient parfaitement sanctifiés en ce monde.

Ils savent que Dieu leur commande d'être parfaits comme il est parfait ; mais ils pensent que, par devers lui, Dieu ne veut pas qu'ils le soient : « Autrement, disent-ils, pourquoi Dieu ne ferait-il pas davantage pour nous rendre parfaits ? » Sans doute Dieu préfère les voir rester tels qu'ils sont, plutôt que d'employer un système d'influences nouvelles et extraordinaires pour les pousser à la perfection ; parce qu'il voit qu'introduire un nouveau système d'influences serait un mal plus grand que la prolongation de leur état moral actuel. Mais qui peut douter sérieusement qu'il ne préfère les voir devenir parfaits dans les circonstances où ils se trouvent, plutôt que les voir continuer à pécher ?

Les pécheurs impénitents raisonnent exactement comme font ces chrétiens. Ils disent : « Je ne crois pas que Dieu veuille que je me repente ; car s'il le voulait, il ferait que je que repentisse ». Pécheur, il est possible que Dieu aime mieux te laisser demeurer dans l'impénitence et perdre ton âme plutôt que d'employer des influences nouvelles pour t'amener à la repentance ; mais conclure que Dieu ne veut pas sérieusement que tu cèdes aujourd'hui aux appels qu'il t'adresse, aux influences qu'il met en œuvre pour te sauver, c'est raisonner d'une façon bien étrange.

Supposez que votre domestique raisonne de la même manière et dise : « Je ne crois pas que mon maître désire véritablement que je lui obéisse ; car, s'il le désirait, il se tiendrait tout le jour à côté de moi pour surveiller mon travail ». Trouveriez-vous la conclusion juste ? Vous trouveriez probablement votre temps si précieux que vous aimeriez mieux voir votre domestique ne rien faire de tout le jour, que de passer votre vie à lui faire faire son travail.

Il en est de même dans le gouvernement de Dieu. Si Dieu concentrait tous les pouvoirs de son gouvernement sur un point, à l'effet de convertir un pécheur, il pourrait couver tir ce pécheur, mais l'économie de l'Univers en serait troublée, en sorte qu'il en résulterait un mal bien plus grand que la perte d'une âme. Nous en dirons autant pour ce qui concerne la sanctification du chrétien ; Dieu lui en a donné tous les moyens, et lui dit ensuite : « Sois parfait comme je suis parfait ; » mais le chrétien réplique : Dieu ne désire pas réellement que je sois parfait ; s'il le voulait véritablement, il me rendrait tel. » C'est exactement l'argument du pécheur impénitent ; il ne vaut pas mieux dans un cas que dans l'autre.

2. Les chrétiens ne s'attendent pas à être sanctifiés.

La plus grande partie de l’Église est formée de gens qui ne s'attendent pas réellement à devenir plus pieux qu'ils ne sont.

3. Le plus souvent ils ne désirent pas même la parfaite sanctification.

4. Ils sont satisfaits de leur faim et de leur soif de la justice et ils ne s'attendent pas à être rassasiés.

Souffrez que j'insiste sur ce point : la faim et la soif de la sainteté ne sont pas la sainteté. Le désir d'une chose sa possession sont deux choses bien distinctes ; le désir n'est pas la chose désirée. S'ils ont faim et soif de la justice, ils doivent ne laisser à Dieu aucun repos jusqu'à ce qu'il vienne accomplir sa promesse, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement saints.

5. Ils perdent de vu le vrai but, le but suprême de l’Évangile.

L’Église a trop longtemps supposé que le grand but de l’Évangile est de soustraire les hommes à la punition au péché ; tandis que son but réel, son grand objet est de délivrer les hommes du péché. Hélas ! beaucoup de chrétiens n'ont pas d'autre pensée que celle-ci : « Nous pécherons certainement jusqu'à la fin ; mais nous sommes aussi assurés d'être pardonnés ; puis, après notre mort, d'être rendus saints dans le ciel ». Oh ! Si seulement les chrétiens pouvaient voir que l’œuvre capitale, que le grand dessein de l’Évangile est de briser la puissance du péché et de remplir les hommes sur la terre de « toute la plénitude de Dieu », avec quelle promptitude ne verrions-nous pas l'amour de Dieu, comme une flamme ardente et inextinguible, se répandre dans les cœurs, d'un bout du peuple de Dieu à l'autre, sur toute la terre !

6. Les promesses de Dieu ne sont ni comprises, ni saisies avec une véritable foi.

Oh ! Si l’Église voulait lire la Bible et saisir d'une main ferme chacune des promesses qui s'y trouvent, elle les trouverait bientôt incommensurablement grandes et précieuses ! Mais elle laisse perdre son héritage. Elle reste dans l'ignorance au sujet de l'étendue des bénédictions qu'elle peut recevoir. Si vous m'en donniez le temps ce soir, je vous présenterais quelques promesses qui sont telles, que si vous vouliez les saisir et vous les approprier, vous connaîtriez bientôt par expérience ce que je veux dire.

7. Beaucoup cherchent à s'approprier la bénédiction par la loi et non par la foi.

Combien de gens qui cherchent à obtenir la sanctification par leurs propres résolutions et leurs propres œuvres, par leurs jeûnes et leurs prières, par leurs efforts et leur activité, au lieu de la saisir de prime abord en Christ, par la foi, exactement comme ils ont fait pour la justification. C'est toujours œuvre, œuvre, œuvre, au lieu de la foi qui saisit le « Christ, Jésus, lequel nous a été fait de la part de Dieu sagesse, justification, sanctification et rédemption (1 Corinthiens 1 v. 30) ». Qu'ils viennent et saisissent la force de Dieu et ils seront sanctifiés. La foi donnera entrée à Christ dans l'âme et celle-ci sera remplie du souffle même de Christ.

Mais ces œuvres, qui ne sont que des œuvres mortes, sont des souillures dont il faut être purifié par le sang de Christ (Hébreux 9 v. 14). C'est la foi qui doit sanctifier, c'est elle qui purifie le cœur ; je parle de cette foi qui est « une substance des choses que l'on espère », et qui saisit Christ, de sorte qu'il établit sa demeure dans l'âme, lui « l'espérance de la gloire », et qu'on ne vit plus que par la foi au Fils de Dieu. L'ignorance ou l'oubli de ces choses est cause qu'il y a si peu de sainteté dans l’Église.

Et finalement,

8. Cette absence de la sanctification provient de ce que la vraie dépendance de Dieu est tout à fait méconnue, elle est remplacée par une prétendue dépendance qui est absolument dérisoire et outrageuse pour Dieu.

Au lieu de consulter l’Écriture et d'avoir des vues scripturaires sur la dépendance dans laquelle on se trouve à l'égard de Dieu ; au lieu de prendre la force où elle se trouve, mettant Dieu à l'épreuve et faisant l'expérience de sa bonne volonté à donner le Saint-Esprit à quiconque le demande ; au lieu de saisir le bras de Dieu et de le tenir ferme, on se laisse aller à terre, attendant paresseusement et lâchement, dans l'incrédulité et le péché, ce que l'on appelle les temps et les moments de Dieu, puis on nomme cela « dépendre de Dieu ».

Hélas ! Avec tout ce partage sur la dépendance de Dieu, qu'elle est peu connue la soumission au Saint-Esprit, qu'il est rare l'abandon total de l'âme à ses directions ; où sont-ils ceux qui lui abandonnent toute leur personne, esprit, âme et corps, pour être éclairés, sanctifiés et remplis de toute la plénitude de Dieu ?

 

Arthur KatzUn message de Charles Finney
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